Lors de la création de l’association, nous ne pensions pas ouvrir ce type de projet et pourtant nous avons soutenu huit étudiants durant huit années. Ce fut le fruit de demandes insistantes de la part d'associations locales qui nous ont fait démarrer les parrainages.
Une première mamie, trois étudiants, puis rapidement huit étudiants, et bientôt sept mamies.
« Maintenant que vous êtes là, je ne peux plus mourir ! » (Méliana, 2009).
« Grâce à vous, je n’ai plus peur la nuit... » (Astérie, 2011).
« Regardez comme j’ai une grande famille aujourd’hui ! » (Bellancille, 2013).
« J’ai des soucis mais je sais que vous êtes là, grâce à vous maintenant j’ai un travail, je suis un exemple pour mes frères et sœurs, je voulais encore vous remercier, ça me fait tellement plaisir de vous revoir » (Jocelyne, ancienne étudiante, 2013).
Les parrainages sont histoire de rencontres, ils sont utiles pour le soutien qu'ils proposent mais surtout pour la présence morale qu'ils apportent aux personnes parrainées.
Au-delà de ceraines réserves qui nous font limiter le nombre de parrainages, nous sommes heureux d'avoir accompagné nos étudiants et de continuer d'être aux côtés de nos mamies.
Thérèse Mukarushema : Thérèse habite Nyamirambo (Kigali), dans la maison qu’elle habitait en 1994 quand le génocide a fauché sa famille. Tous ses enfants et petits-enfants ont été assassinés, son mari étant mort lors des pogroms de 1959.
Elle a fait ses études secondaires au collège APACE de Kigali (une école secondaire des adventistes) et y a obtenu un diplôme A2 (Humanités) en Sciences Humaines. Son parrainage débuta en janvier 2012. Mais en cours d’année, elle eut la possibilité d’aller en Italie rejoindre une autre de ses sœurs. Elle fit donc le choix d’arrêter ses études au Rwanda pour tenter sa chance dans des études d’infirmière en Europe.
Il a brillamment réussi ses trois premières années et a soutenu son mémoire début 2014. Innocent est un garçon attachant, très en demande de notre présence. Nous espérons que ce diplôme le conduira dans des sphères où il pourra s’épanouir. Nul doute que nous continuerons à avoir de ses nouvelles et à pouvoir ainsi le suivre dans son parcours personnel.
Innocent Murwanashyaka : Innocent est né en 1984. Il a perdu toute sa famille (parents, frères et sœurs) pendant le génocide des Tutsi en 1994.
Parrainé depuis début 2010, il étudie les sciences informatiques à l’ULK (Université Libre de Kigali).
Grâce à l’association, elle poursuit depuis janvier 2010 des études universitaires à l'Institut de Management de Kigali. Elle a réussi avec panache ses trois premières années d’études et a soutenu son mémoire en début d’année 2014. À notre dernière rencontre, Phoëbe nous a dit vouloir continuer ses études pour obtenir un master puis vraisemblablement un doctorat. L’association la laissera construire son avenir et arrêtera le parrainage mais suivra Phoëbe dans son futur parcours.
Phoëbe Mukakundabera : Phoëbe est orpheline du génocide. Nous savons peu de choses sur sa vie car elle est très réservée. Elle nous a été présentée par une psychologue locale qui fut également très pudique sur l’histoire de Phoëbe.
Elle vit avec sa petite sœur dans une modeste location à deux pas de l’université où elle étudie.
Mais contrairement à d’autres, cette bourse ne comptait pas de frais de vie (argent pour se loger, manger, s’habiller, payer les transports pour aller en cours, les photocopies, etc.). À partir de janvier 2010, l’association a donc payé des frais de vie à Alexis jusqu’à fin 2012 où il a pu obtenir une bourse plus conséquente grâce à ses excellents résultats.
Alexis Twambaje : Alexis a perdu ses deux parents pendant le génocide des Tutsi. En 1994, il avait cinq ans. Il est le seul survivant de sa famille et a été élevé dans un orphelinat. En 2008, il a obtenu une bourse pour payer ses études universitaires.
Malheureusement, elle dû quitter l'université en cours de deuxième année car plus personne ne pouvait payer pour elle. C’est début 2010 que le parrainage de Joselyne a commencé : elle réussit alors à entrer en troisième année en payant le dernier trimestre de la deuxième année [très douée, elle put sauter un trimestre]. Au bout de deux ans de parrainage, Joselyne fut diplômée. Nous la suivîmes dans sa recherche d’emploi et nous la suivons toujours dans sa vie de famille. Elle nous donne régulièrement de ses nouvelles et nous rend parfois visite. Elle trouva un travail au bout d’une année de recherche, dans une banque dans le Nord du Rwanda. Mais après avoir été agressée là-bas par un ancien génocidaire, elle fut rapatriée à Kigali et travaille désormais dans une banque de la capitale.
Joselyne Mpinganzima : Joselyne est née en 1985. Son père a été tué pendant le génocide de 1994 et sa mère est décédée d’un cancer en 2009. Elle s’occupe désormais de ses frères, sœurs, cousins et cousines. Elle envisageait un diplôme en Business & Management à l’Institut de Management de Kigali.
Le papa a été porté disparu en 1993, après un enlèvement par des gendarmes. Son corps n’a jamais été retrouvé. Quant à la maman, elle a été assassinée pendant le génocide. Les enfants ont vécu seuls, heureusement dans une maison que les parents avaient construite et qui n’avait pas été détruite. L’aîné des garçons a tout fait pour se trouver des petits boulots afin de faire vivre ses frères et sœurs, puis il est devenu motard, et ensuite chauffeur. Maintenant, il a fondé sa propre famille et ne s’occupe plus de ses frères et sœurs. Khadidja est parrainée depuis 2012, elle étudie le management à l’ULK (Université Libre de Kigali), mais elle a échoué en deuxième année. Il faut dire qu’elle est maman d’un petit garçon depuis janvier 2013. Elle voulait se réinscrire en deuxième année mais l’université lui a conseillé de profiter de son petit garçon et d’attendre un an avant de reprendre sa formation. L’association l’assure de son soutien jusqu’à la fin de ses études. Khadidja a été diplômée en décembre 2016.
Khadidja Umuhoza : Khadidja est née en 1988, à Tumba, dans l’ancienne commune de Ngoma, à Butare. La famille comptait cinq enfants, trois filles et deux garçons. L’aînée est morte quelques mois après le génocide. Khadidja est la cadette de la famille.
C’est un garçon discret qui semble fragile mais qui montre beaucoup de courage. Il est parrainé depuis fin 2010 et suit des études de management à l’ULK (Université Libre de Kigali). Il vient d’obtenir fin 2014 son diplôme de deuxième cycle d’études supérieures, en faculté de Finances.
Djamal Kayimahe : Djamal est rescapé du génocide, au cours duquel il a perdu une sœur. Il vit actuellement à Nyamirambo, quartier populaire de Kigali, avec ses parents, trois frères et une sœur ainsi que d’autres jeunes adoptés ou accueillis dans la famille.
La seule rescapée de la famille est sa dernière petite-fille, Mimi, qui avait trois ans en 1994 et dont l’histoire est intrinsèquement liée à celle de sa grand-mère. Thérèse et Mimi vivent ensemble depuis la fin du génocide et veillent l’une sur l’autre. Leur histoire et l’amour qu’elles se portent, leur dignité qui pudiquement masque leur grande pauvreté, font de chaque rencontre un moment intense.
« Je n’arrive pas à comprendre pourquoi des gens que je ne connais pas, qui habitent dans un pays si lointain, m’aident ainsi ?! Vraiment je ne comprends pas, une vieille comme moi… Mais peu importe, qu’ils vivent longtemps ! ».
Elle pensait être née en 1920 (à l’époque, il n’y avait pas d’état-civil et les dates de naissance étaient approximatives). Pendant le génocide, Méliana avait perdu tous ses enfants – sauf une fille retrouvée plus tard –, ses petits-enfants et son mari. Elle se promenait avec la liste de ses disparus sur elle « pour ne pas oublier leur nom », nous dira-t-elle.
Cette femme était sans domicile fixe en 2002 lors de notre première rencontre, époque où nous avons enregistré son témoignage. Vers la fin de l’enregistrement, elle nous glissera : « Souvenez-vous de moi... Vous m’emportez dans vos appareils ». Et lorsque le parrainage commença en 2009, elle nous confia très sereine : « Maintenant que vous êtes là, je ne peux plus mourir ! ». Mariama Nakure, dite Méliana : Méliana est notre première personne âgée parrainée. Elle est décédée à l’été 2012. Elle fut quelqu’un qui a marqué tous ceux qui l’ont connue, que ce soit par des rencontres dans les collines ou par les récits et photos véhiculés en France.
Heureusement, les visites régulières de l’association lui sont d’un grand soutien, tout comme la présence du fils de sa nièce, un petit garçon dont elle dit qu’il est son rayon de soleil. La santé de Léocadie est toutefois très précaire ; elle ne dit ce qu’elle vit qu’à demi-mots. Elle souffre visiblement beaucoup, souhaite que Dieu la rappelle à elle : « Mais pour l’instant il n’a pas l’air pressé ! », nous fait-elle malicieusement remarquer.
La première fois que nous l’avons rencontrée, en 2011, elle était installée dehors, à quelques pas de l’entrée de la « maison ». Elle baignait dans une lumière douce de fin de journée, nous aurions dit une reine perdue dans ses pensées, elle était magnifique.
Léocadie Kabarenzi : Léocadie aurait plus de 90 ans. Elle est rescapée du génocide des Tutsi de 1994. Sa famille (ses enfants et petits-enfants) a été entièrement massacrée. Elle vit avec une nièce dans des conditions particulièrement précaires, matériellement et affectivement.
Il lui reste une fille, qui n’a pas pu poursuivre ses études après le secondaire, faute de moyens financiers. Domitille souffre actuellement de diabète et d’un problème cardiaque. Elle conserve dans sa chair des éclats de grenade reçus pendant le génocide. Quelques temps après le début du parrainage de sa mère, la fille de Domitille a eu un petit garçon qu’elle élève seule.
Lors de la première rencontre avec la présidente de Rwanda Main dans la Main, Domitille était au bord des larmes : « Vous ne savez pas combien votre geste est important. Grâce à cet argent, on ne me coupera pas l’électricité et je pourrai rester digne devant mes voisins ».
Domitille Mukarugema : Depuis les années 1970, Domitille habite Nyamirambo, un quartier populaire de Kigali (la capitale). C’est là qu’elle a vécu le génocide. Elle avait quatre enfants, dont trois ont été tués. Son mari était décédé peu avant le début des massacres.
Ramenée au Rwanda en 2003, elle eut du mal à se réinstaller dans l’ancienne propriété familiale. La situation est devenue insupportable lorsque son unique fils survivant a été assassiné. C’est une assistante sociale qui la présenta à notre association pour un parrainage alors qu’elle venait d’être sortie de la rue et recueillie dans un village pour rescapés. Avec l’argent du parrainage, Bellancille a investi dans des plantations, un vélo, des lapins, des chèvres, une vache « pour avoir du lait, parce que je suis trop gourmande, j’aime tant le lait ! ».
Bellancille nous étonne à chaque rencontre, par sa force de caractère, sa philosophie, sa fragilité. En cliquant sur sa photo, vous pourrez prendre connaissance de son récit enregistré en 2002, lors de l’une de nos rencontres.
Bellancille Bagirinka : En 1994, Bellancille a été brûlée vive dans l’église de Simbi (Ouest du Rwanda) où elle s’était réfugiée. Sortie inconsciente des cadavres entassés dans l’église calcinée, elle fut transportée au Burundi pour y être soignée.
Sa maison qu’une ONG lui avait construite s’était en effet écroulée sur elle pendant son sommeil. Grâce au parrainage, elle a pu reconstruire cette maison et subvenir à ses besoins et à ceux de ses petits-enfants. Une contribution exceptionnelle lui a en outre permis de se relier à l’électricité qui arrive désormais dans le village.
« Ne croyez pas que je mange tout ce que vous me donnez ! J’en mets un peu de côté, j’investis. J’ai acheté des chèvres, ça me fait un petit revenu. Je me débrouille, je vais bien. Tout ça, c’est grâce à vous ! ».
Astérie Nyirabunzinya : Née en 1947, Astérie vit actuellement avec ses deux petits-fils (dont elle a la charge) dans le village de Buhoro en province du Sud, où elle a échoué à la fin du génocide. Lorsque son parrainage a débuté en 2011, elle logeait dans un autre endroit chez des amis.
Alors que notre dernière étudiante a été diplômée fin 2016, nous avons décidé de ne pas continuer le programme de parrainage des étudiants. Ce programme débuté en 2009 a permis à huit étudiants d'entrer à l'université ou de reprendre des études prématurément arrêtées par faute de moyens. Six ont obtenus leur diplôme, deux ont ensuite pu obtenir une bourse et poursuivre plus loin leurs études. Deux étudiants ayant préféré partir en Europe n'ont pas été diplômé.
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