Mariama Nakure, dite Méliana : en 2002, lors de notre enquête dans les collines [Cécile Grenier a enquêté au Rwanda pendant plus de six mois entre mai 2002 et février 2003], nous avons enregistré un entretien, avec elle, à Gikongoro, sur l’emplacement de l’état-major de l’opération Turquoise.
 
Elle pense être née en 1920 (à l’époque il n’y avait pas d’état-civil et les dates de naissances étaient approximatives). Elle nous raconta alors ce qu’elle avait vécu pendant le génocide : comment ont été tués son mari, ses enfants – elle en a eu douze et une nièce qu’elle avait adoptée –, ses petits-enfants, tous à l’exception d’un garçon qui était dans les rangs de la rébellion et qui mourra peu de temps avant notre rencontre, et une fille que Méliana nous dit alors avoir perdue et qui en fait a survécu (elle vivrait à Kigali, la capitale). Son témoignage était d’autant plus poignant qu’à son âge (plus de 90 ans), elle était sans abri et ne survivait que grâce à la générosité des rescapés de Nzega (sa commune d’origine).
 
Il est difficile de raconter ici tous ce que nous avons vécus auprès d’elle. Elle nous aimait, elle nous grondait, nous prenait à témoin, nous offrait des confidences, des malices. Nous étions là, elle le savait et comptait sur nous pour être là, jusqu’au bout...
 
C’est ce que nous fîmes, la dernière fois que nous nous sommes vus : nous avons accédé à son profond désir de la ramener sur sa terre natale, là où le génocide l’avait fauchée avec toute sa famille (elle vivait depuis deux ans à Kigali chez sa fille retrouvée, son beau-fils et ses petits-enfants, mais elle en souffrait : à plus de 90 ans et très affaiblie, elle avait tenté plusieurs fugues dans des conditions dangereuses).
 
Ce voyage incroyable restera gravé dans nos mémoires. Ses pas sur sa terre, ses mains et ses mots qui reconstruisent la maison rasée pendant le génocide. Sa famille qui revit sur le terrain en friche. Et ses messes-basses : « Ne me renvoyez pas à Kigali, je n’y retournerai pas, ne les laissez pas m’emmener. Je suis chez moi, enfin ».
 
Elle était assise sur l’herbe, sur son terrain, elle touchait la terre, elle respirait le ciel, les collines alentours : « Là, c’était chez moi. Ils ont tout volé. C’était notre forêt, notre terre allait jusque là-bas, où le soleil se couche. Elle traversait la vallée et remontait sur l’autre colline ».
 
Nous lui achetâmes un matelas, le nécessaire pour la toilette, un peu de nourriture, nous la confiâmes aux voisins. Sa fille reviendrait bientôt avec des affaires. Bref, nous la quittâmes heureuse.
Quelques jours après, on nous informa qu’elle était hospitalisée auprès de « son » médecin qu’elle avait demandé. Elle mourut une semaine plus tard, quelques jours après notre retour à Paris.
 
Méliana appelait notre représentant local « mon fils ».
 
Lors de notre dernière rencontre, lorsqu’elle nous a revue, elle nous a accueillie avec ces mots :
« – Tu sais comment je m’appelle ? ».
« – On vous appelle Méliana ».
« – Mais je suis Mariama NAKURE ! ».
 
Nous la remercions de tout ce qu’elle nous a donné pendant ces années.
 
Mariama Nakure, dite Méliana : l’entretien de 2002
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